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Gérard Bertrand

27 images recomposées, oresque toutes des hommages à des artistes disparus

De la photographie au questionnement de l’image

Gérard Bertrand est un infatigable voleur d’images, fixes, animées, peu lui importe : tout ce qui passe à la portée de son œil intérieur est capturé. Mais nous verrons que là ne s’arrête pas son rapport à l’image.

Un regard singulier

Ses choix initiaux lorsqu’il "photographie" attestent déjà d’un regard singulier et notamment d’une attirance toute particulière pour les architectures, pour les espaces urbains considérés comme des espaces plastiques porteurs d’un devenir sûrement étranger à l’argumentaire de l’architecte : longs travellings de lignes fuyantes, enchevêtrement inextricable de charpentes, voûtes basculantes … et, comme un leitmotiv, le cube perspectif, qui va influencer de manière fondamentale la peinture italienne du Quattrocento, sous l’apparence de la scène de théâtre. Il importe de préciser que le plus souvent, le pittoresque n’apparaît pas comme la motivation première.

Une réalité décryptée
Mais l’œil ne se contente pas de ces repères architecturaux, bien d’autres prélèvements vont être opérés dans une réalité décryptée sous l’angle de l’insolite, du dérisoire, de l’inattendu, du banal souvent transgressé en obsédant symbole.
Nul doute que l’optique de ses « machines à images » n’ait subi quelque modification narquoise afin de produire des résonances déjà désaccordées par rapport au commun, tels ces pianos préparés grinçants et fascinants tout à la fois.
On l’aura compris, l’image n’existe que dans son œil ou plutôt son œil seul est en mesure de disséquer ainsi cette réalité complexe et polysémique.
Là pourrait s’arrêter le constat, presque banal : Gérard Bertrand est photographe et comme tout photographe authentique son regard est personnel et à ce titre sa production relèverait de l’album-photo.

Des images à "habiter"
En fait il n’en est rien : ce qui vient d’être évoqué n’est qu’un inventaire minutieux et prémédité, même si les rencontres paraissent relever de l’opportunisme.
Cette phase n’est que le prélude à l’exigence qui le pousse à transformer, triturer, violenter les images recueillies forcément insuffisantes malgré leurs évidentes qualités techniques, esthétiques. Gérard Bertrand ne s’inscrit pas dans l’orthodoxie de la pratique photographique conçue comme un reportage ou un documentaire.
Les images volées vont subir une mutation qui va leur donner l’apparence de mondes inconnus, de réalités nouvelles et inattendues. Lorsque son œil se porte derrière le viseur c’est toute sa culture qui affleure et qui va féconder la proie choisie : il diffuse dans la prise de vue un précipité – au sens chimique du terme – de la vie qu’il s’est construite au travers de ses pôles d’attraction, de ses colères, de ses gourmandises, de ses nostalgies, de son humour incisif. Ainsi développe-t-il une alchimie de la connaissance à double sens : il semble se découvrir lui-même en même temps qu’il élabore un outil de communication d’une savante richesse.
Il développe donc une sorte d’introspection dans la mesure où la re-composition de l’image – pour utiliser ses propres termes – réclame un long travail de recherche mémoriel et encyclopédique, d’interventions sur les lumières, les textures, les mises en relation avec son univers. Il semble à la fois convoqué et dévoilé par l’image initiale qui se comporte comme un révélateur.
Et en cela la démarche apparaît ainsi dans toute la splendide inutilité de la création : cette quête insatiable et dévorante qui ne conduit qu’à soi-même au long d’un parcours en boucle aux limites indéfiniment repoussées …

Une série d'images..."uniques"

A cet égard, le choix du titre générique donné à sa dernière série est signifiant : Photopictus, référence appuyée à la pratique picturale - qui est aussi l’un de ses modes d’expression – avec laquelle il établit ainsi une liaison de forme et de sens.
Dans ses précédentes séries consacrées à Proust, Kafka, Hitchcock, l’accent était mis sur le personnage lui-même recréé au travers de son histoire propre, voire de sa légende, ou plutôt, si l’on pénètre plus avant dans la réception de l’image, non seulement recréé mais serti dans l’univers singulier de Gérard Bertrand par le médium du Jazz par exemple, l’un de ses pôles d’attraction privilégiés, qu’il fait partager, sinon découvrir à ses hôtes. Cette appropriation dans son champ culturel pouvant se vérifier au travers de tous les montages réalisés.
Dans les images de Photopictus – réalisation la plus récente - le champ exploratoire s’est élargi, chaque image échappe à la contrainte thématique de la série et devient autonome.
Chacune est le résultat de sa propre logique plastique, idéologique et symbolique.
Chacune développe sa part de rêve et assume l’avenir vers lequel elle propulse le regardant.
L’album photo est décidément bien loin qui renvoie à la simple consolidation des souvenirs et des nostalgies. Ici rien de tel : c’est l’image d’après, celle attendue, qui tend à s’imposer dans sa potentielle virtualité. Il s’agit bien de cette quête incessante de la limite sans cesse repoussée. Et l’on pourrait imaginer que par une densification volontaire des moyens et de la pensée une seule image initiale pourrait être re-composée à l’infini en de multiples avatars, comme autant de miroirs de la curiosité toujours en éveil et du temps qui passe.
Mais cela ne peut-être : on l’aura compris, Gérard Bertrand ne saurait s’inscrire dans aucune logique fantasmée, il nous appartient de rester attentif aux surgissements à venir.

Jacques Reverdy


Schubert
Josep Grau-Garriga
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